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Article publié le 27 octobre 2016.

Rémunérations et carrières : infos et désintox !

Comprendre sa fiche de paye n’est pas un exercice facile. Mais quand plusieurs changements sont appliqués, et que les agents ne sont pas correctement informés, cela devient presque impossible !
De nombreux changements affectant les carrières et rémunérations des agents sont en cours ou prévus pour les prochaines années. Ils donnent lieu à une campagne de communication du gouvernement sur l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Sauf que si l’on considère l’ensemble des mesures, le gain est très limité : ce qui est donné d’une main est parfois repris de l’autre. Les mesures annoncées ne permettent pas de répondre aux enjeux liés aux rémunérations des agents.
De plus, malgré nos nombreuses interpellations, la direction de l’Insee refuse de transmettre aux agents une communication complète, détaillée et individualisée des mouvements qui affectent leurs feuilles de paie et leurs carrières.
Voici donc quelques éléments pour mieux saisir ce qui a changé ou va changer dans votre rémunération, et les principales évolutions statutaires à venir dans les prochains mois.

L’augmentation du point d’indice est loin de rattraper les pertes subies les années précédentes

Entre 2010 et 2016, le point d’indice a été gelé à 4,63 euros brut mensuels par les gouvernements successifs. Dans le même temps, les prix n’ont pas arrêté leur augmentation : + 5,5 % depuis juillet 2010, date de la dernière hausse du point d’indice.
Suite aux mobilisations des salariés et à notre résistance face aux mesurettes annoncées dans le cadre de PPCR (voir ci-dessous), le gouvernement a annoncé une augmentation du point d’indice. Cette fois, la hausse se fait en deux temps : + 0,6 % au 1er juillet 2016 (4,66 euros brut mensuel), puis + 0,6 % au 1er février 2016 (4,69 euros brut mensuel). Autant dire qu’elle ne rattrape pas la perte subie pendant les années précédentes !

La PPCR ou Parcours professionnel, carrières et rémunérations : des gains mineurs étalés sur plusieurs années

Ce dispositif, au nom un peu barbare, a été mis en place autoritairement par le gouvernement au mépris de la loi sur le dialogue social, le protocole d’accord ayant été signé par des syndicats non majoritaires dans la Fonction Publique. Pour nos organisations syndicales, les quelques avancées contenues dans ce protocole ne sont pas à la hauteur des évolutions nécessaires en termes de rémunération. De plus, ce protocole introduit une différenciation élitiste des carrières que nous refusons (encadré).
Concernant la rémunération, des revalorisations et de nouvelles grilles sont mises en place pour tous les corps, avec des gains très variables, étalés sur plusieurs années (voir tableau de synthèse) :

  • pour les adjoints administratifs, l’augmentation se fera en quatre fois, pour un gain indiciaire total compris entre 4 points et 23 points selon la grade et l’échelon ; au 1er janvier 2017, il y aura reclassement dans une nouvelle grille comportant 3 grades au lieu de 4 actuellement (fusion de deux grades intermédiaires échelle 4 et échelle 5) ;
  • pour les contrôleurs, l’augmentation se fera en trois fois, pour un gain total variant entre 7 et 29 points d’indice selon le grade et l’échelon ; au 1er janvier 2017, il y aura reclassement dans une nouvelle grille comportant 3 grades ;
  • pour les attachés, la revalorisation de grille se fera en quatre étapes, pour un gain total compris entre 14 et 66 points d’indice selon le grade et l’échelon ; au 1er janvier 2017, il y aura reclassement dans une nouvelle grille comportant 3 grades.

Est-ce que ces évolutions permettent d’avoir un pouvoir d’achat plus élevé ? Pas forcément !
En effet, les évolutions indiciaires exprimées en traitement brut ne correspondent pas à une évolution équivalente du revenu net, le montant des cotisations sociales augmentant automatiquement avec le montant de l’assiette sur laquelle elles sont calculées.
De plus, une partie de ce qui est donné via l’augmentation du nombre de points d’indice est compensé par une baisse des primes : pour les C, ce transferts de primes en point est de 4 points, pour les B de 6 points et pour les A de 4 puis 5 points (soit 9 points au total). Le principe d’un transfert des primes en points d’indices est positif et correspond à une de nos revendications : la prise en compte des primes dans le traitement, et donc dans les cotisations et pensions retraite. Mais il ne s’agit pas d’une mesure d’augmentation du pouvoir d’achat des salariés si elle ne s’accompagne pas d’une revalorisation conséquente des grilles et de la valeur du point.
Enfin, l’horizon 2020 est vraiment lointain, surtout si on prend en compte les échéances électorales à venir.

Le dispositif commencera à s’appliquer au 1er janvier 2017 pour les C et les A. Il est déjà mis en place pour les B depuis le 1er janvier 2016. Pour ces agents, des régularisations de paie ont été effectuées au mois de juillet et d’août, avec des lignes positives et négatives dans les fiches de paye. En effet, les gains en point d’indice ou en valeur du point d’indice ont des conséquences sur plusieurs éléments de rémunération (traitement brut mais aussi cotisations sociales et indemnités se calculant en référence au traitement brut, primes calculées en référence au traitement brut). Tous n’ont pas été régularisés en même temps, sans explication claire de la part de la direction. Pour certains agents, la mise en œuvre de PPCR et de l’augmentation du point d’indice s’est même accompagnée de reprises sur salaire sans que les agents aient pu être avertis au préalable des erreurs constatées sur leur paie !
Quant aux enquêtrices et enquêteurs, elles et ils sont exlu-e-s du dispositif : la direction et le ministère ont refusé de mettre en place un système de rémunération permettant de leur faire bénéficier automatiquement des revalorisations applicables aux agents titulaires.

La hausse des cotisations de pension civile ampute les gains annoncés

A ces modifications s’ajoute un processus de hausses des cotisations sociales pour la retraite. Cette hausse a lieu chaque année depuis 2010, date à laquelle les cotisations pour pension civile représentaient 7,85 % du traitement indiciaire et des NBI.
En 2015, ce taux de cotisation est 9,54 %. Il passe à 9,94 % en 2016, puis augmente progressivement pour atteindre 11,10 % en 2020. Le montant des cotisations retraite augmentera donc de façon importante, en raison de la hausse des taux de cotisations, mais aussi en raison de l’augmentation de l’assiette de calcul  : l’augmentation de la valeur du point, le transfert de primes en points et les revalorisations de grilles font que les cotisations s’appliquent sur des revenus plus importants.
Sur l’ensemble de la période 2016-2020, cette hausse du montant des cotisations de pension civile va amputer sur le salaire net les quelques gains obtenus sur le salaire brut… voire les annuler pour certains échelons !
Nous ne pouvons nous satisfaire des quelques mesurettes dont les effets sont annulés par d’autres et nous revendiquons :

  • une augmentation du point d’indice et des revalorisations de grilles correspondant à des gains réels de pouvoir d’achat, pour toutes les catégories d’agent ;
  • une augmentation des taux de promotions permettant de dérouler des carrières linéaires, sans blocage, dans chacun des corps ;
  • une information complète et précise à tous les agents des éléments affectant leur rémunération.

Le Rifseep, ou régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Ouf…) : généralisation de la concurrence entre agents

Ce nouveau dispositif, rejeté par de nombreux syndicats, remet en cause un principe fondamental dans la Fonction publique : la séparation entre grade et emploi. Ce principe est le garant de l’indépendance du fonctionnaire, car il lui permet de conserver sa rémunération en cas de changement de poste. En contradiction avec ce principe, la Rifseep prévoit d’attribuer des primes différentes en fonction du poste occupé et du mérite de l’agent !

Le dispositif général repose en effet sur deux piliers :

  • un pilier obligatoire qui consiste à remplacer les différentes primes existantes en une seule indemnité principale mensuelle, dite de « fonctions, de sujétions et d’expertise » (l’IFSE). Les postes occupés par les agents seront classés dans différents groupes de fonction et dans chaque groupe, le montant de l’indemnité dépendra du grade et de l’échelon ;
    un pilier facultatif, le "complément indemnitaire annuel" (CIA), qui serait attribué à l’appréciation de "l’engagement professionnel et sur la manière de servir".
    Les modalités de mises en œuvre de cette mesure à l’Insee ne sont pas encore connues dans leur totalité mais la philosophie générale l’est.

Les agents de catégorie C et B passeront dans le nouveau régime indemnitaire respectivement en novembre 2016 et janvier 2017, selon une formule qui paraît assez simple. En effet, pour ces catégories, il n’y aura pas mise en place, du moins dans un premier temps, de la rémunération au mérite. Le montant de l’IFSE sera quant à lui égal au montant actuel de la somme des trois (ou quatre) primes qu’elle remplace : IAT ou IFTS, prime de rendement, ACF et l’éventuelle TAI (la NBI restant comptabilisée à part). Les agents seront classés dans trois groupes, avec au point de départ un montant identique de l’IFSE dans chacun des groupes : mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? La définition de groupe de postes facilite le recours à ce nouveau système quand l’administration l’aura décidé. De plus, des difficultés risquent de se poser pour tous les agents qui bénéficient de protocoles de garantie de rémunération (notamment TAIstes) et pour l’instant, la direction pour l’instant la direction ne précise pas la prise en compte de ces cas particuliers.

Pour les agents de catégorie A, la situation est plus complexe et le régime serait mis en place d’ici la fin de l’année 2017. L’administration a d’ores et déjà prévu les grandes lignes du dispositif :

  • La répartition des postes dans différents groupes de fonction aura une conséquence immédiate sur le montant de l’IFSE : autant dire que deux postes ne donneront pas lieu au même versement indemnitaire. La direction prévoit ainsi la création de 4 groupes pour les attachés (de 22 000€ à 40 000€ environ), 3 pour les administrateurs (de 42 000€ à 59 000€), 2 pour les inspecteurs généraux (59 000€ et 66 000€). Si certaines primes sont déjà attribuées en fonction du niveau de poste, par exemple pour un attaché principal qui occupe un poste de niveau administrateur, cette situation risque de se généraliser, avec une potentielle course aux postes les plus rémunérateurs. Quand on sait déjà comment se passent les campagnes de mobilité sans enjeu financier, on peut imaginer les dégâts d’une telle procédure.
  • De plus, les cadres A toucheront aussi le complément indemnitaire annuel, ou CIA. Cette prime est censée rendre compte de « l’engagement professionnel ». Ou, pour le dire autrement, une prime au mérite ! C’est donc une nouvelle course aux primes qui va démarrer pour les cadres A, sans que l’on connaisse à l’heure actuelle les détails de mise en œuvre de cette mesure.
    Au 1er janvier 2017, une garantie de rémunération est prévue pour les A : le montant de leurs primes sera égal à celui du 31 décembre 2016. Mais cette disposition n’est pas valable dans le temps : à chaque changement de poste, ou au plus tard tous les 4 ans, les primes seront revues, avec la possibilité d’une diminution de leurs montants ! De plus, les primes ne seront plus indexées sur les évolutions du point d’indice. Autrement dit, le montant des primes sera stable, même si la valeur du point d’indice augmente ! Soit une perte pour tous les agents !
    Au final :
  • les campagnes de mobilité et les campagnes d’évaluation risquent de donner lieu à des calculs et à des compétitions entre agents, ce qui ne va pas dans le sens d’un service public optimal.
  • cette réforme a pour but de limiter le montant global alloué aux primes. Il fait miroiter à toutes et tous des améliorations de rémunérations qui dans les faits seront réservées à un nombre très restreint d’agents. La grande majorité sera perdante !
  • sans revendiquer un maintien du système de primes actuel qui est complètement opaque notamment pour les notes primes des A, le système proposé est négatif et nous en demandons la non application à l’Insee.

Statut des attachés : des incertitudes et des postes insuffisants pour le concours de B en A et la mise en place du 3e grade

Le nouveau statut des attachés prévoit deux nouveautés principales : la mise d’un concours de reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle (RAEP) et la création d’un nouveau grade, celui d’attaché hors classe.
L’ouverture d’un concours interne spécial de B en A est le fruit d’une lutte de longue, très longue date. Si nous demandons sa mise en place immédiate, nous ne sommes pas d’accord avec les modalités décidées par la direction : une épreuve écrite qui sert de filtre, dont la note ne compte pas pour le classement final, et une épreuve orale construite à partir d’un dossier établi par l’agent qui, contrairement à ce que son nom indique, ne tient pas compte des réels acquis de l’expérience mais fait la part belle à ceux qui sauront le mieux « se vendre » devant un jury. Surtout, le nombre de places offertes est très limité (cinq pour l’année 2016) et a été pris sur le volume des passages au choix, alors que depuis des années le nombre de passages de B en A est très faible au regard du nombre d’agents B qui occupent des postes de ce niveau. La direction annonce encore qu’un concours pourrait être organisé au titre de l’année 2016, avec des résultats au cours du 1er semestre 2017. Mais tout cela dépend de la parution d’un arrêté encore bloqué dans les instances supérieures. Nous demandons que tout soit mis en œuvre pour que les 5 places prévues pour 2016 ne soient pas perdues et que le nombre de postes augmente fortement pour les années suivantes  !

Les nominations en attaché hors classe, 3e grade du statut d’attachés, se feront avant la fin de l’année 2016. Sont éligibles les attachés principaux ayant atteint le 6e échelon et ayant occupé pendant les douze dernières années au moins 4 ans un poste de chef de mission ou 5 ans un poste de niveau administrateur. Sur cette question, nous demandons deux évolutions par rapport au projet initial de l’administration.

Nous demandons à l’administration de modifier le statut des administrateurs pour permettre aux attachés hors classe d’être promus au choix. Actuellement, le statut d’administrateur précise que seuls les attachés principaux peuvent être promus administrateurs au choix. Si la situation reste en l’état, cela implique pour les agents de devoir se positionner parfois très tôt entre promotion en administrateur (qui n’est jamais garantie) et déroulement de carrière dans la grade hors classe, avec des perspectives assez bouchées. Ce système n’est pas conforme à celui de carrière linéaire que nous défendons. Pour cette année 2016, les candidats à la promotion au grade d’attaché hors classe doivent donc être conscient du fait qu’actuellement, une telle promotion ne leur permet plus de passer administrateur.

Nous voulons également que toutes les places possibles soient ouvertes. A l’heure actuelle, si on estime à 1 700 le nombre d’attachés, 5 % des effectifs du corps des attachés, soit 85 places, peuvent être ouvertes en 2016. En 2020, le nombre pourrait être de 170, soit 10 % des effectifs du corps. L’administration a d’abord proposé l’ouverture de 50 places en 2016, pour arriver à un total de 110 postes en 2020. Soit moins 35 places en 2016, et moins 60 places en 2020. Nous estimons que cette proposition n’est pas justifiée : la création de ce grade ne fait que rattraper un retard accumulé par l’Insee sur ce sujet. Et dans ces temps d’incertitudes, notamment budgétaires, il apparaît indispensable de permettre le nombre maximal de nominations.

Ces demandes sont cohérentes : elles permettraient aux attachés hors classe de passer administrateur, et donc de permettre de nouvelles entrées dans le grade. C’est une réponse à l’argument de l’administration, qui veut limiter le nombre de places pour les premières années afin de promouvoir une « solidarité intergénérationnelle » ! Soit plus on limite le nombre de promotions, plus on est solidaire. Ce n’est pas notre conception de la solidarité ! Face au risque d’un nombre faible d’entrée dans le corps mis en avant par l’administration, la possibilité de passer administrateur serait une réponse efficace. Mais elle ne paraît pas vouloir entrer dans ce sujet. Il faut dire que les changements de statut sont des sujets sensibles par notre direction, et que leur capacité de réaction est souvent assez limitée !

A Paris le 27 octobre 2016

PPCR : quelles conséquences sur les carrières ?

Un des aspects du protocole que l’on pourrait qualifier de positif concerne les passages de grade : le gouvernement s’était engagé à ce que chaque agent ait la garantie de dérouler sa carrière dans au moins deux grades de son corps, sans barrage. Ce n’est pas encore la carrière linéaire que nous revendiquons (garantie de dérouler sa carrière sur l’ensemble des grades du corps) mais c’est un bon début. Las ! Aucun décret d’application de cette garantie n’est paru. Et à l’Insee, comme dans l’ensemble du ministère, les taux promus-promouvables dont dépendent les passages de grade continuent de baisser, contredisant de facto les annonces d’un gouvernement qui entend peut-être laisser à son successeur le soin de tenir ses promesses !
Une autre conséquence de cette réforme est la fin des réductions et majorations d’ancienneté (RDM et MDM) et des entretiens professionnels tels qu’ils existent actuellement. Cette situation serait favorable, si le dispositif n’était pas remplacé par un autre, encore plus inégalitaire : le projet initial du gouvernement prévoit qu’un tiers des agents auront un entretien chaque année, et un quart d’entre eux pourront bénéficier d’une réduction d’ancienneté de 8 mois ! Soit un gain d’ancienneté moyen plus faible, et surtout une répartition entre agents encore plus dispersée : tout ou rien ! Nous demandons à ce que tout dispositif d’avancement de ce type soit abandonné par la direction.
De plus, nous exigeons qu’une information précise soit faite sur l’organisation des campagnes d’entretien professionnel au titre de 2016 et sur les critères désormais mis en œuvre par l’administration pour les avancements de grade et de carrière.

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